Une aide fiscale aux emplois à domicile qui soulève des questions...
Faciliter la vie des uns ne devrait pas compliquer celle des autres... Si le secteur des services à la personne poursuit son essor, dopé notamment par la loi du 26 Juillet 2005, dite "Loi Borloo", cela suscite néanmoins quelques interrogations.
En effet, beaucoup reste à faire pour rendre les services à la personne, accessibles à tous. Il ne s'agit pas ici de contester le bien-fondé d'une aide fiscale aux emplois à domicile, mais l'inégalité scandaleuse qu'implique l'absence d'un soutien au moins équivalent au profit des ménages les plus démunis.
Si le principe de l'aide de l'Etat n'est pas en soi contestable, sa répartition en revanche pose question quand on sait que seuls les ménages aisés ont réellement la capacité d'employer du personnel à domicile. La droite est consciente du fait que ce scandale de l'inégalité pourrait jouer en sa défaveur aux élections. Pour cela, dès l'automne 2006, la droite trouve des astuces.
Les artifices mis en place par la droite, qui en rien ne corrigent les inégalités !
Alors que les ménages aisés bénéficient depuis des années d'un crédit d'impôt égal à 50% des salaires versés à leurs employés domestiques (garde d'enfant, aide ménagère, soutien scolaire...), le gouvernement a décidé, six mois avant les élections, mais uniquement par souci de justice bien entendu, de rembourser 50% des dépenses analogues engagées par les ménages qui ne paient pas l'impôt sur le revenu.
De qui se moque-t-on?
"Soyons réalistes pour la droite qui feint ne pas comprendre l'évidence : la plupart des contribuables exonérés de l'impôt sur le revenu ont un revenu inférieur à 1400 euros par mois, et sept millions de travailleurs ont un revenu inférieur à 780 euros par mois. Pour la plupart d'entre eux, savoir que, s'ils dépensent 300 euros en services à domicile, l'Etat généreux leur remboursera 150 euros dans six mois ou un an, cela leur fait une belle jambe! Les 300 euros, ils ne les ont pas."
La vraie raison de cette mesure n'est donc pas une réelle volonté de soutenir la création d'emplois de services tout en venant en aide aux ménages à faibles revenus. Elle est d'afficher, à moindre frais, une égalité de traitement artificielle pour masquer ce que la droite met en place insidieusement : le détournement scandaleux des fonds publics pour aider les riches.
Le ministère des Finances estime le coût budgétaire de ce "maquillage" à 200 millions. Cette estimation est à comparer avec les presque 2 milliards d'euros de crédit d'impôts dont bénéficient déjà les ménages aisés. Voilà donc l'illustration pour la droite de l'égalité de traitement : 10 fois plus pour les riches!
Au-delà de l'écoeurement légitime face à cette démonstration, quelles sont les pistes à suivre pour améliorer le secteur des Services à la personne pour le rendre véritablement accessible à tous?
Dans un avis récent, adopté le 24/12/2007 (www.ces.fr), le Conseil Economique et Social (CES) formule des recommandations pour améliorer le dispositif. Je vous en livre ici l'essentiel :
1- Favoriser l'accès de ces services aux personnes à revenus modestes
Cela se ferait par l'intermédiaire d'un crédit d'impôt généralisé (actuellement deux des vingt services, le soutien scolaire et la garde d'enfants à domicile, en bénéficient) et via le développement des services collectifs en direction des enfants. "En finançant l'offre de garde au lieu de subventionner, comme en France, les utilisateurs, le Danemark parvient à un taux de couverture des besoins de 70% contre à peine 32% en France aujourd'hui", pointe le rapport du CES. Sur la question du cédit d'impôt, il est rejoint par les banques, qui regrettent aussi qu'à ce jour il ne soit réservé qu'aux personnes actives, comme l'a noté la Fédération bancaire française, le 24 janvier 2007.
Des modifications sont envisagées, qui donnent lieu à d'âpres négociations. A suivre donc... avec la plus extrême vigilance.
2- Etendre le bénéfice du Cesu (chèque emploi service universel) préfinancé
L'idée : offrir la possiblité aux salariés ayant des parents dépendants (voir article "La prise en charge des personnes âgées publié sur ce blog) de leur faire profiter d'une aide à domicile. Quant aux retraités bénévoles qui rendent des services dans leur quartier ou leur commune, ils pourraient en recevoir de ces collectivités, de manière à se constituer une sorte de "compte-épargne" service.
3- Revaloriser les conditions de travail
Le secteur des services à domicile compte 1,2 million de salariés à temps (très) partiel (383 750 équivalents temps plein), selon les sources très officielles du Commissariat général du Plan, "Développer l'offre des services à la personne" (mai 2005).
Cela pourrait passer par des groupements d'employeurs permettant de proposer aux salariés des horaires à temps plein et des activités plus diversifiées (évitant ainsi le turn-over actuel). Mais aussi par le remboursement des frais de transports (via la création d'un fonds financé par une contribution patronale); ou encore par un rapprochement des droits des salariés selon qu'ils sont employés par un particulier ou par une structure.
La formation Le CES n'oublie pas non plus la formation, l'encadrement des intervenants : "L'Effort de formation est aujourd'hui très inégal. Pour la branche du particulier employeur, la cotisation patronale de formation continue s'élève à 0,15%, alors qu'elle est de 2,10% de la masse salariale brute pour la branche de l'aide à domicile". Il souhaite également un égrément pour le salarié intervenant auprès de publics fragiles (personnes âgées, handicapées, jeunes enfants) sur le modèle de ce qui existe pour les assistantes maternelles.
4- Créer un Observatoire statistique
En effet, dans ce secteur, les données sont imprécises et fragmentées. Placé sous l'autorité de l'Agence nationale des services à la personne (ANSP), il suivrait aussi les questions touchant aux accidents de travail, de trajet, domestiques, etc. Adopté à l'unanimité, cet avis sera-t-il entendu? La Fédération nationale des particuliers employeurs (Fepem), qui concentre 80% des emplois dans ce secteur, l'a en tout cas dénoncé, le 23 janvier 2007, comme "une harmonisation vers le bas". Elle considère que l'augmentation fiscale (via la nouvelle contribution patronale pour le transport et l'alignement de celle sur la formation) risque de pénaliser la croissance de l'emploi direct. Elle n'est pas non plus favorable à la procédure d'agrément.