Autoroutes : " Le grand dérapage !"
Il y a un an, les autoroutes étaient privatisées, ce qui a suscité les pires craintes pour les automobilistes. Etaient-elles fondées? Il semblerait que oui, à voir l'inflation des tarifs et la dégradation déjà perceptibles des services...
Le business des autoroutes se porte bien, merci. Le trafic augmente, les prix aussi, et les sociétés concessionnaires engrangent au fil des ans toujours plus d'argent. Jusqu'à présent, c'était l'Etat qui récoltait indirectement le pactole via des sociétés publiques, qui, au moins, remplissaient parfaitement leur mission, tant en terme de sécurité, de fluidité du trafic que de développement des voies rapides, même dans les zones reculées...
Ce n'est pas pour rien que le réseau hexagonal était jusqu'à présent l'un des meilleurs au monde.
Sursis jusqu'à la Présidentielle...
Seulement voilà, criblée de dettes, la France en est venue à vendre ses autoroutes en février et mars 2006. "On a bradé les bijoux de famille", se sont indignés certains, outrés de voir de puissants groupes privés (notamment étrangers) s'emparer de ce magot en devenir sur le dos des conducteurs.
A tord ou à raison?
Pour avoir une réponse définitive, il faudra attendre le lendemain de l'élection présidentielle. En effet, ses détracteurs soupçonnent le gouvernement d'avoir convenu avec les repreneurs de modérer leurs restructurations de personnel jusque-là. Les vraies, celles qui font mal, ne devant pas intervenir avant un an, période coïncidant avec la fin des contrats de plan 2004-2008, dans lesquels l'Etat conserve en théorie la main sur la fixation des prix et des prestations. Un délai semble-t-il trop éloigné pour les exploitants! Un an seulement après la privatisation, ces derniers affichent déjà la couleur. Certains péages ont fortement augmenté, tandis que dans le même temps, de graves décisions ont été engagées, quitte à remettre en cause la qualité du service.
Pactole assuré pour les actionnaires !
Le but : permettre aux concessionnaires de remplir l'objectif caché d'empocher 40 milliards d'euros de bénéfices au cours des 25 prochaines années, moment où elles devront restituer l'essentiel des autoroutes à l'Etat. Autant d'argent sonnant et trébuchant qui ne servira plus, comme auparavant, à l'amélioration du réseau routier, à sa rénovation ou au financement de grandes infrastructures. Au lieu de cela, les sociétés se contenteront sans doute d'en faire le minimum sur le terrain, en automatisant tout ce qui peut l'être. En bout de chaîne, qui paiera les pots cassés?
Services autoroutiers : la dégradation est déjà sensible
Moins de péagers aux caisses
Pour les sociétés d'autoroutes, l'essor du télépéage constitue une double bonne affaire. D'abord, il s'agit d'un service payant (le télébadge Liber-t est facturé de 10 à 34€ par an : le prix pour passer sans s'arrêter et bénéficier de réductions). Ensuite, et surtout, il leur permet de réduire le personnel aux caisses. On notera que plus les employés sont en sous-effectif, plus les files d'attente s'allongent à leur cabine. Ce qui incite les automibilistes à se diriger vers les voies automatiques. Malin, n'est-ce pas?
107.7 : des radios muselées
Sur le modèle de Trafic Info (Cofiroute), le réseau APRR a fusionné ses deux radios Autoroute Info et Rhôn'Alpes 1. Les effectifs ont fondu, plusieurs studios locaux ayant été fermés. A la mission de service public de radioguidage succède une logique commerciale qui va à la pêche aux sponsors et non aux informations concernant la sécurité. Faute de moyens, les reporters doivent couvrir un territoire plus grand, au détriment de l'information de proximité, notamment en cas d'incident.
Recours à la sous-traitance
Nouvelle tendance : les sociétés d'autoroutes font de plus en plus appel à des entreprises sous-traitantes pour effectuer l'entretien, le salage ou le déneigement des voies, avec un risque d'allongement du délai d'intervention. La solution est pratique pour l'exploitant, car en cas de problème, cela lui permet d'atténuer sa responsabilité. Cet hiver a été doux. Il faudra donc attendre de grosses intempéries pour apprécier les conséquences d'un tel procédé.
Moins de patrouilleurs
Comme chez Cofiroute, la plus rentable des sociétés d'autoroutes, le nombre d'employés est réduit partout au strict minimum. Sur certains tronçon moins fréquentés, le nombre de patrouilleurs au kilomètre est divisé par deux, leur rayon d'action étant porté de 50 à 100km. Conséquence : le niveau de surveillance chute, à tel point qu'en cas d'incident (voiture en panne, objet sur la chaussée...), l'employé peut se trouver à 45 minutes de l'endroit concerné... et à condition qu'il soit disponible.
Le règne du tout-automatique
Jadis réservés aux barrières ou aux sorties qui voyaient moins de 500 véhicules par jour, les paiements aux péages automatiques devraient représenter dès cette année 60% des transactions. Ils commencent à toucher l'ensemble du réseau. Problème : il devient difficile de payer par chèque ou chèque-vacances, les bornes n'acceptant que le télépéage, les cartes bancaires (ou de pétroliers) et les espèces (pièces et billets); de plus, en cas de souci, il faut attendre pour être dépanné.
Compression des voies !
Sur les nouvelles autoroutes, tout est calculé au plus juste. Par exemple, les bandes d'arrêt d'urgence sont très étroites. Bonjour la sécurité!